Les techniques de coupure en MT

Serge THEOLEYRE


Source: Cahier Technique Schneider № 193 " Les techniques de coupure en MT " (p. 18 - 22)



3.2 La coupure dans l'air

Les appareils utilisant la coupure dans l'air à la pression atmosphérique ont été les premiers employés (disjoncteur magnétique).

L'air à pression atmosphérique, malgré sa rigidité diélectrique relativement faible et sa constante de temps de désionisation élevée (10 (ms), peut être utilisé pour la coupure jusqu'à des tensions voisines de 20 kV. Pour cela il faut disposer d'une puissance de refroidissement suffisante et d'une tension d'arc élevée après le passage à zéro du courant pour éviter l'emballement thermique.

3.2.1 Le mécanisme de coupure dans l'air

Le principe retenu consiste à maintenir l'arc suffisamment court, tant que l'intensité est importante, pour limiter l'énergie dissipée puis à l'allonger seulement à l'approche du zéro de courant.

Ce principe a conduit à la création pour chaque pôle d'appareil, d'une chambre de coupure. Il s'agit d'un volume situé au voisinage de l'espace intercontacts et divisé par des plaques réfractaires (plaques à grande capacité d'accumulation d'énergie thermique), (cf. fig. 23 ) entre lesquelles l'arc s'étire.


Fig. 23: allongement d'un arc électrique entre les plaques réfractaires en céramique d'une chambre de coupure d'un disjoncteur à coupure dans l'air (Disjoncteur de type Solénarc - Marque Merlin Gerin).

En pratique, lorsque le courant décroît, l'arc soumis aux efforts électromagnétiques pénètre entre ces plaques. Il s'allonge et se refroidit au contact du matériau réfractaire jusqu'à ce que sa tension d'arc devienne supérieure à celle du réseau, ainsi, la résistance d'arc augmente fortement. La puissance que peut lui apporter le réseau demeure alors inférieure à la puissance de refroidissement et la coupure devient effective. Du fait de la longue constante de temps de désionisation de cette technique, l'énergie d'arc à dissiper reste élevée. En contre partie, le risque de surtension à la coupure est quasi nul (cf. fig. 24 ).


Fig. 24 : comportements comparés d'un appareil idéal et d'un appareil à coupure dans l'air

3.2.2 Principales caractéristiques d'un dispositif de coupure dans l'air


La dimension de la chambre de coupure est principalement définie par la puissance de court-circuit du réseau (en MVA).

Dans les appareils de type Solénarc, la longueur très importante de l'arc (plusieurs mètres sous 24 kV) est obtenue dans un volume raisonnable grâce au développement de l'arc sous la forme d'un solénoïde. Compte tenu des vitesses requises pour l'ouverture des contacts, de quelques m/s, les énergies de commande sont de quelques centaines de joules.

3.2.3 Les domaines d'application de la coupure dans l'air

Ce type d'appareil a été très utilisé dans de nombreuses applications, mais son emploi reste limité à des tensions inférieures à 24 kV. Pour des tensions supérieures, l'air comprimé est employé de manière à améliorer la tenue diélectrique et la vitesse de refroidissement et de désionisation. L'arc est alors refroidi par des systèmes de soufflage à haute pression (entre 20 et 40 bars). Cette technique a été utilisée pour des disjoncteurs à hautes performances ou pour des tensions élevées (jusqu'à 800 kV).

En BT, la technique de coupure dans l'air à pression atmosphérique est utilisée universellement pour sa simplicité, son endurance, son absence de surtension et son effet limiteur.

En MT d'autres techniques ont été préférées car la coupure dans l'air présente plusieurs inconvénients :

- encombrement de l'appareillage (dimensions plus grandes à cause de l'allongement de l'arc);

- pouvoir de coupure influencé par la présence des cloisons métalliques de la cellule contenant l'appareil et par l'humidité de l'air;

- coût et bruit.

Les disjoncteurs MT à coupure dans l'air ne sont quasiment plus fabriqués aujourd'hui.

3.3 La coupure dans l'huile

L'huile qui servait déjà comme isolant a été utilisée dès le début du siècle comme milieu de coupure car cette technique permet la conception d'appareils relativement simples et économiques. Les disjoncteurs à huile ont été utilisés principalement pour les tensions de 5 à 15 kV.


3.3.1 Le principe

Les contacts sont immerges dans une huile diélectrique. Lors de la séparation, l'arc provoque la décomposition de l'huile qui libère de l'hydrogène (70 %), de l'éthylène (20 %), du méthane (10 %) et du carbone libre. Une énergie d'arc de 100 kJ produit environ 10 I de ces gaz. Ces gaz forment une bulle qui, par inertie de la masse d'huile, se trouve soumise pendant la coupure à une pression dynamique qui peut atteindre 50 à 100 bars. Quand le courant passe par zéro, le gaz se détend et souffle l'arc qui s'éteint.

C'est l'hydrogène obtenu par décomposition de l'huile qui sert de milieu d'extinction. C'est un bon agent extincteur grâce à ses prOpriétés thermiques et à sa constante de désionisation meilleure que celle de l'air, en particulier à pression élevée.

3.3.2 Différentes technologies de coupure dans l'huile

1 Disjoncteurs à grand volume d'huile

Dans les premiers appareils utilisant l'huile, l'arc se développait librement entre les contacts créant des bulles de gaz non confinées. Afin d'éviter des amorçages entre phases ou entre bornes et masse, ces bulles ne doivent en aucun cas atteindre la cuve ou se rejoindre (cf. fig. 25 ). Les appareils dimensionnés en conséquence, atteignent des dimensions extrêmement grandes.

Outre l'encombrement, ces appareils ont de nombreux inconvénients tel le manque de nombreux inconvénients tel le manque de sécurité à cause de l'hydrogène produit qui s'accumule sous le couvercle, la maintenance élevée nécessaire pour veiller à la pureté de l'huile et au maintien de ses propriétés diélectriques.

Pour parer ces inconvénients (manque de sécurité, appareils encombrants), les constructeurs ont créé les disjoncteurs à faible volume d'huile.

2 Disjoncteurs à faible volume d'huile

L'arc et la bulle sont confinés dans un pot de coupure isolant. La pression du gaz augmente lors du passage de l'arc dans une succession de chambres puis, quand le courant passe par zéro, se détend à travers une buse sur la zone d'arc.


Fig. 25 : bulles de gaz à l'origine d'un défaut phase-masse lors d'une coupure dans un disjoncteur à grand volume d'huile

Celui-ci est alors énergiquement balayé, ce qui assure la restauration des propriétés diélectriques intercontacts.

Influence de la valeur du courant sur le PdC. Pour les grands courants, la quantité d'hydrogène produite et les montées de pression sont importantes. Par conséquent les temps d'arc sont courts.

A l'inverse, pour les petits courants, les montées en pression sont faibles et les temps d'arc sont longs. Ces temps d'arc augmentent jusqu'à un niveau critique où il devient difficile d'achever la coupure. Des dispositifs de soufflage complémentaires en fin de course peuvent améliorer ce point.

Caractéristiques principales des disjoncteurs à faible volume d'huile. La valeur du courant de court-circuit ou du courant assigné impose un diamètre minimal du contact mobile. La longueur du pot de coupure et la course de l'équipage mobile sont quasiment proportionnelles à la tension appliquée.

Pour éviter les pressions excessives, le temps d'arc minimal pour la coupure d'un grand courant doit être inférieur à 10 ms et il doit rester inférieur à 40 ms pour les courants critiques.

L'enveloppe isolante du pot de coupure doit, en outre, être conçue pour supporter les pressions très élevées engendrées par des défauts consécutifs, car la diminution de pression demande environ une seconde.

Cependant malgré la réduction du volume d'huile, cette technique présente encore certains inconvénients :

- La décomposition de l'huile n'est pas réversible.

- La dégradation de l'huile et l'usure des contacts détériorent la tenue diélectrique entraînant des coûts supplémentaires de maintenance.

- En cas de refermeture rapide le pôle reste à pression élevée et son PdC diminue.

- Le risque d'explosion et d'inflammation n'est pas complètement écarté.

3.3.3 Les domaines d'application de la coupure dans l'huile

Cette technique de coupure a été très employée dans tous les domaines, du transport et de la distribution de l'énergie électrique.

Progressivement elle est supplantée par les techniques de coupure dans le vide et dans le SF6, techniques qui ne présentent pas les inconvénients présentés dans les paragraphes précédents.

3.4 La coupure dans le vide

Les propriétés diélectriques du vide sont connues depuis longtemps et ont été utilisées, par exemple, pour les ampoules à vide des tubes à rayons X. L'utilisation du vide dans l'appareillage de coupure a été envisagée dès 1920, mais, à cause de contingences technologiques, n'a été effective au niveau industriel que depuis 1960. Depuis les années 70, la technique du vide se répand de plus en plus du fait des avantages qu'elle apporte : encombrement réduit, meilleure sécurité et plus grande endurance.

3.4.1 Propriétés diélectriques du vide

En principe le vide est un milieu diélectrique idéal : il n'y a pas de matière donc pas de conduction électrique. Cependant, le vide n'est jamais parfait et de toute façon a une limite de tenue diélectrique. Malgré tout, le " vide " réel a des performances spectaculaires : à la pression de 0.000001 bar, la rigidité diélectrique en champ homogène peut atteindre une tension crête de 200 kV pour une distance inter-électrodes de 12 mm.

Le mécanisme à l'origine de la rupture diélectrique dans le vide est lié aux phénomènes d'émission électronique froide, sans effet d'avalanche par ionisation. C'est pourquoi sa tenue diélectrique ne dépend pratiquement plus de la pression dès que celle-ci est inférieure à 0.000001 bar. Elle dépend alors de la nature des matériaux, de la forme des électrodes (en particulier de la présence d'aspérités) et de la distance inter-électrodes.

L'allure de la courbe donnant la tension de claquage en fonction de la distance intercontacts (cf. fig. 21) montre pourquoi le domaine d'application du vide reste limité en tension. En effet, les distances nécessaires pour la tenue diélectrique augmentent très vite dès que la tension dépasse 30 à 50 kV ce qui entraîne des coûts prohibitifs par rapport aux autres technologies. De plus il y a émission de rayons X quand la tension s'élève.

3.4.2 Le mécanisme de coupure dans le vide

La coupure dans le vide est assez particulière à cause des caractéristiques très spécifiques de l'arc dans le vide.

L'arc électrique dans le vide. La colonne d'arc est composée de vapeurs métalliques et d'électrons provenant des électrodes à la différence des autres techniques de coupure évoquée précédemment pour lesquelles cette colonne est principalement composée du gaz intercontacts ionisé par collisions. L'arc peut avoir deux aspects, concentré ou diffus, selon l'intensité du courant qui le traverse.

Pour des valeurs élevées du courant (>= 10000 A) l'arc est unique et concentré comme dans les fluides traditionnels (cf. fig. 26, a). Les taches cathodiques et anodiques de plusieurs mm2 sont portées à des températures très élevées. Une fine couche du matériau de contact se vaporise et l'arc se développe dans une atmosphère de vapeurs métalliques qui occupe tout l'espace. Lorsque le courant décroît, ces vapeurs se condensent sur les électrodes elles-mêmes ou sur des écrans métalliques disposés à cet effet. Dans ce régime, la tension d'arc peut atteindre 200 V.

Pour des valeurs de courant inférieures à quelques milliers d'ampères, cet arc se trouve sous forme diffuse. Il est composé de plusieurs arcs séparés les uns des autres, de forme conique dont le sommet est à la cathode (cf. fig. 26b ). Leurs racines cathodiques appelées spots ont une surface très petite (0.00001cm2) et la densité de courant y est très élevée (0.00001 à 0.0000001 A/cm2). La très haute température locale (3000 K) entraîne une émission combinée thermoélectronique/effet de champ très intense pour une évaporation de matériau de contact modérée. Le courant est alors essentiellement dû au flux d'électrons.

Les ions métalliques positifs produits à la cathode ont une énergie cinétique telle (entre 30 et 50 eV) qu'ils peuvent occuper tout l'espace jusqu'à l'anode. Ainsi ils neutralisent les charges d'espace intercontacts, d'où un faible gradient de potentiel et une faible tension d'arc (80 V au maximum).


Fig. 26 : arc concentré [a] et arc diffus [b].

Passage au zéro de courant. En régime d'arc diffus, soit immédiat, soit à la suite d'un arc unique et concentré mais assez longtemps après pour que les vapeurs métalliques aient eu le temps de condenser, la coupure se fait aisément au zéro de courant.

En effet à l'approche du zéro, le nombre de spots diminue jusqu'au dernier qui disparaît quand l'énergie apportée par l'arc n'est plus suffisante pour maintenir une température de pied d'arc assez élevée. L'extinction brutale du dernier spot est à l'origine des phénomènes d'arrachement fréquemment rencontrés avec cette technologie. Il faut noter qu'à l'inversion de la tension, l'anode devient cathode mais froide, elle ne peut pas émettre d'électrons ce qui correspond à une constante de temps de désionisation excessivement petite. Les appareils à vide peuvent par conséquent couper des courants avec des croissances de TTR très rapides ainsi que des courants à haute fréquence.

Pour les courants élevés, il peut rester encore un plasma d'arc au zéro de courant et la coupure devient incertaine. C'est donc essentiellement la densité de vapeur métallique résiduelle qui détermine le PdC.

Phénomènes de réallumages et de reclaquages. Ils se produisent lorsque les contacts dégagent trop de vapeurs métalliques. On considère que si la densité de vapeur après le zéro de courant dépasse 10000000000000000000000/m3, la probabilité de coupure est quasiment nulle.

De manière générale, ces phénomènes sont peut reproductibles et difficiles à modéliser. De nombreux essais sont nécessaires pour valider les conceptions. En particulier, on peut observer des défaillances diélectriques tardives après coupure, éventuellement fugitives, liées à la présence de particules ou de condensats de métal.

Littérature

Cahier Technique Schneider № 193 " Les techniques de coupure en MT " (p. 18 - 22)


Библиотека по теме выпускной работы